Modiano, interview à la publication des Inconnues
À propos du livre "Des inconnues", Nouvel Observateur, 28-01-1999.
Cours de français du Community College de Nanzan Tandai par Jean-François Masseron.
Semestre d'automne 2006 (septembre - décembre).
南山短期大学コミュニティカレッジ・上級フランス語講座・2006年の秋学期
Moi, chez Barker's, je ne me souvenais pas d'une seule occasion où j'avais pris un repas avec mes collègues. Je ne m'étais liée qu'avec la fille blonde qui tenait le rayon voisin du mien. Parfois, je l'accompagnais à une séance de cinéma.
GURDJIEFF Georg Ivanovitch
Jérôme Garcin – Dans «Des inconnues» (1999), il y avait un certain docteur Bode dont vous écriviez que «la vérité et la sagesse sortaient de (sa) bouche». Ses disciples formaient une sorte de secte philosophique où il était question de «travail sur soi» et de «clé d’octave». Le docteur Bouvière, p. 34, ressemble au docteur Bode..
Patrick Modiano - Pour les deux, j’ai pensé à Gurdjieff. Autour de ses livres, de sa pensée, remis au goût du jour par le New Age, gravitaient dans les années 1960 des gens vraiment bizarres qui prétendaient détenir la vérité. C’est l’époque où j’étais en pension en Haute-Savoie. On m’avait raconté que, dans la montagne et les sanatoriums de Praz-sur-Arly, s’étaient retrouvés autrefois des écrivains vulnérables comme Jacques Daumal et Luc Dietrich, qui étaient très influencés par la spiritualité et l’ésotérisme selon Gurdjieff. J’étais frappé par le fait que ses disciples étaient souvent recrutés chez des intellectuels qui se trouvaient dans un état physique désespéré. Après la guerre, de gens comme Louis Pauwels et Jean-François Revel se sont encore réclamés de cet homme, dont il ne faut pas oublier qu’il est tout de même responsable de la mort, en 1923, de Katherine Mansfield.
Jérôme Garcin, Rencontre avec P Modiano, Le Nouvel Observateur, 2 octobre 2003
Walter disait qu'il voulait faire un reportage sur les gens qui disparaissent à Paris. Il essaierait de prendre des photos la nuit, dans les commissariats. Ils ne s'apercevraient de rien. Au dépôt. Dans les fourrières. À la Morgue.Dans Des Inconnues 3, un photographe ambulant a pris en photo l'héroïne, René et le chien. Cette photo irrécupérable (à cause, pense-t-elle de la méchanceté du vendeur du magasin - un brun d'environ trente ans, l'air dédaigneux - de King Street où elle doit la récupérer) serait une preuve tangible de son bonheur passé.
René n'était plus là. Il y avait peu de chance pour que je le revoie jamais. Tous les moments que nous avions passés ensemble avaient basculé dans le vide. On avait voulu supprimer la seule trace de notre existence, à René, à moi, au chien, la seule image où nous étions réunis.Dans Les Boulevards de ceinture, une photo (son père et deux louches acolytes au bar d'une auberge dans la banlieue de Paris) permet de démarrer le récit - qui se termine par la remise de cette photo au narrateur par le barman du lieu où elle a été prise, pendant l'occupation.
- Autobiographie: "Il y a quelque chose de bancal dans l'autobiographie parce qu'on ne peut jamais vraiment se voir soi-même (...). Pour arriver à une plus grande justesse, il faut avoir recours à la fiction".
- Ses livres: "Les trucs que j'écris, ce ne sont pas vraiment des romans, ce sont des segments, des trucs que j'ai pris, malaxés".
- L'écriture: "Je suis stupéfait d'entendre des écrivains raconter qu'ils écrivent de 8H à 12H et de 14H à 20H! Chez moi, c'est tellement pénible que l'effort ne peut durer qu'une heure ou deux".
- Fait divers: "Je connais à peu près tous les faits divers, depuis 1920 jusqu'à maintenant (...). Si on faisait une radiographie de mes romans, on verrait qu'ils contiennent des pans entiers de l'affaire Profumo ou de l'affaire Christine Keeler ou du rapt du fils Peugeot".