Des Inconnues

Cours de français du Community College de Nanzan Tandai par Jean-François Masseron.

Semestre d'automne 2006 (septembre - décembre).

南山短期大学コミュニティカレッジ・上級フランス語講座・2006年の秋学期

29 octobre 2006

Le rire

Dans la première nouvelle, devant la fanfare qui joue la musique d'une vieille chanson comique et qui bloque la voiture qui les emmène en Suisse, Guy Vincent et l'héroïne éclatent de rire.
Que signifie ce rire ?
Aujourd'hui, j'ai écouté une émission avec l'historienne Jacqueline de Romilly et elle parle du rire (entre elle et sa mère) et elle explique très bien ce que signifie ce rire. Une définition qui conviendrait au rire de l'héroïne de Guy Vincent et de l'héroïne, aussi bien qu'à celui de la petite Bijou et de Moreau-Badmaev. Écoutez...


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"Le rire est, dans une large mesure, le résultat d'une totale intimité avec quelqu'un et que les choses sont partagées avant même d'être tout à fait exprimées."

26 octobre 2006

Lectures

J'ai profité de la semaine d'interruption des cours pour relire un roman de Modiano, qui date de 1972, Les boulevards de ceinture, que j'ai eu la chance de trouver sur Amazon Japan, d'occasion, pour 500 yens (+ 340 yens de port). J'ai commencé aussi à relire Incident nocturne
Plus on lit de romans de Modiano, plus on les entend comme des variations, quasi musicales, autour de quelques thèmes.
Les similitudes entre Les Boulevards de ceinture et les nouvelles des Inconnues sont nombreuses. Comme s'il s'agissait d'une même matière toujours retravaillée.

Voici quelques notes et extraits :
• Le roman se passe dans la région parisienne pendant les "temps troubles" de l'Occupation.
• Un des personnages se prénomme Guy. Mais son prénom est peu souvent cité parce qu'il a un surnom. Le héros aussi a pris un faux nom ("Serge Alexandre" : un nom formé de deux prénoms, comme "Guy Vincent").
• Son père (qu'il n'a jamais connu) va le chercher dans un pensionnat, à Bordeaux, où le héros "moisit". Son père est très fier que son fils ait le baccalauréat. Il garde sur lui, dans son portefeuille, une copie du diplôme. Un jour, quand il sera contrôlé par la police, il montrera le diplôme à la police comem si cela pouvait remplacer ses papiers d'identité.
• Il s'intègre dans un groupe de gens louches qu'il déteste (des collaborateurs, des profiteurs du marché noir) parmi lesquels se trouve son père qu'il veut retrouver et sauver. Ces gens lui donnent la nausée : "j'ai peur de perdre connaissance", il a peur de vomir... (comme l'héroïne de la première nouvelle des Inconnues). P. 121 : " Dites donc, monsieur Alexandre, vous n'allez tout de même pas tomber dans les pommes !"
• Page 151 :
" Je suis sujet à des pertes d'équilibre de plus en plus fréquentes. Dans mes cauchemars je rampe inlassablement. La soupente que j'habite, boulevard Magenta, servait d'atelier au peintre Domergue, du temps qu'il n'avait pas encore conquis la gloire. Je m'efforce de voir là-dedans un signe de bon augure". (thème du malaise, des cauchemars, du lieu habité autrefois par un autre, de la croyance supersitieuse)
• Il est question d'ombre et de lumière. La première fois qu'il retrouve son père et qu'il marche avec lui, c'est sur une route la nuit, éclairée par des réverbères, et ils passent successivement de zones d'ombre à des zones de lumière.
• Il est question plusieurs fois de la crainte de se faire passer "les menottes".
• Il y a une jeune actrice. Elle porte toujours un manteau de fourrure. Elle est blonde. (Dans les Inconnues I, les manteaux d'astrakan des femmes du salon de thé du pré Catelan. Dans La petite Bijou, c'est la pharmacienne qui a un manteau de fourrure ("Elle avait mis les mains dans les poches de son manteau de fourrure. J'avais envie de lui prendre le bras."). Dans Accident nocturne (voir résumé ci-dessous), l'héroïne porte un manteau de fourrure ("Tout se brouillait dans ma tête. Je m'étais peut-être blessé au crâne, en tombant. Je me suis tourné vers la femme. J'étais étonné qu'elle porte un manteau de fourrure".
• Il y a trois époques dans Boulevard de ceinture : - Le héros a 18 ans : première rencontre avec son père. Quelques mois de vie commune. Jusqu'à ce que son père, un jour de foule dans le métro, essaie de tuer son fils en le poussant sur la voie. - Dix ans plus tard, c'est les derniers mois de l'Occupaton allemande, le héros parvient à retrouver les traces de son père qui est le souffre-douleur d'un groupe louche et antisémite. Il tente de le sauver. Il ne sait pas si son père le reconnaît. - Plusieurs années plus tard, le héros raconte l'histoire d'après ses souvenirs et une photographie. Son père est vraisemblablement mort en déportation, une personne du groupe a été fusillée à la Libération, il ignore ce que les autres sont devenus.
• Page 152 : "Tous ces inconnus, je m'identifiais à eux".


Voici le résumé de Accident nocturne
"Peu avant ses vingt et un ans, le narrateur a été victime d'un accident place des Pyramides : il est renversé par une Fiat vert d'eau, conduite par une jeune femme, Jacqueline Beausergent. En état de choc, il croit reconnaître en cette femme une personne qu'il a déjà rencontrée, beaucoup plus tôt. Ses souvenirs se mêlent et il associe étrangement cet événement à un accident survenu dans son enfance et dont il ne lui reste que des détails confus. S'il retrouve cette femme, le narrateur a le sentiment qu'il apprendra quelque chose d'important sur lui-même, quelque chose qui changera le cours de sa vie.
Un récit proche de l'enquête policière. "

16 octobre 2006

Nouveau ! Un album d'illustrations

J'ai commencé un album d'illustrations en rapport avec le cours. Il se trouve ici :
http://picasaweb.google.com/masseron/Modiano

13 octobre 2006

De Madame Gamo : La première nouvelle, la vie de Modiano et Dora Bruder

De Madame Gamo :
Après avoir lu la première nouvelle, j'ai remarqué des éléments basés sur "Dora Bruder", pourtant comme je n'ai pas ce livre avec moi maintenant, je ne sais pas si c'est exact.

* le pensionnat → Dora s'est évadée (2 fois?) ; Modiano a vécu aussi en pensionnat quand il était jeune.
(Oui, notamment à Annecy, près de la Suisse. Et son père l'a envoyé en pension à Bordeaux. Mais il n'est resté qu'une seule nuit dans ce pensionnat et s'est échappé pour rentrer à Paris)

* Pascale → la mère de Modiano était actrice. (Selon la postface de la traduction japonaise de Dora Bruder, elle a joué dans "Bande à part" de Godard).

* Le travail de Guy → le père de Modiano a fait du marché noir sous l'occupation.

* L'arrestation de Guy → non seulement le père de Dora et celui de Modiano, mais beaucoup de Juifs ont été arrêtés.

Et comme on voit l'épisode de Guy et l'écrivain, c'est évident que Modiano s'oppose aux conservateurs. Mais je pense que cette héroïne vit d'une maniere passive et abandonnée : p.11 "ma vie se jouerait à pile ou face" ; p.13 : "j'étais bien décidée à me conformer à tout ce que voulait monsieur Pierre" ; p.18 : "j'étais assise avec eux et je n'osais pas ouvrir la bouche", etc. Et finalement elle espère rester une inconnue, non identifiée...
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Voici les premières lignes de Dora Bruder :
(En japonais, le titre a été traduit ainsi : 1941年。パリの尋ね人 )

Il y a huit ans, dans un vieux journal, Paris-Soir, qui datait du 31 décembre 1941, je suis tombé à la page trois sur une rubrique : « D'hier à aujourd'hui ». Au bas de celle-ci, j'ai lu :
« PARIS - On recherche une jeune fille, Dora Bruder, 15 ans, 1 m 55, visage ovale, yeux gris-marron, manteau sport gris, pull-over bordeaux, jupe et chapeau bleu marine, chaussures sport marron.
Adresser toutes indications à M. et Mme Bruder, 41 boulevard Ornano, Paris. »
Ce quartier du boulevard Ornano, je le connais depuis longtemps. Dans mon enfance, j'accompagnais ma mère au marché aux Puces de Saint-Ouen. Nous descendions de l'autobus à la porte de Clignancourt et quelquefois devant la mairie du XVIIIè arrondissement. C'était toujours le samedi ou le dimanche après-midi.
En hiver, sur le trottoir de l'avenue, le long de la caserne Clignancourt, dans le flot des passants, se tenait, avec son appareil à trépied, le gros photographe au nez grumeleux et aux lunettes rondes qui proposait une « photo souvenir».

Et les dernières :

Depuis, le Paris où j'ai tenté de retrouver sa trace est demeuré aussi désert et silencieux que ce jour-là. Je marche à travers les rues vides. Pour moi elles le restent, même le soir, à l'heure des embouteillages, quand les gens se pressent vers les bouches de métro. Je ne peux pas m'empêcher de penser à elle et de sentir un écho de sa présence dans certains quartiers. L'autre soir, c'était près de la gare du Nord.

J'ignorerai toujours à quoi elle passait ses journées, où elle se cachait, en compagnie de qui elle se trouvait pendant les mois d'hiver de sa première fugue et au cours des quelques semaines de printemps où elle s'est échappée à nouveau. C'est là son secret. Un pauvre et précieux secret que les bourreaux, les ordonnances, les autorités dites d'occupation, le Dépôt, les casernes, les camps, l'Histoire, le temps - tout ce qui vous souille et vous détruit - n'auront pas pu lui voler.


01 octobre 2006

Mea culpa

•• J'ai dit, dans l'entrée précédente, que l'histoire de la première nouvelle ne durait que trente jours. Ce n'est pas exact. Voici le passage :
C' [l'endroit où habitait Guy Vincent] était tout près du restaurant chinois de la veille. L'hôtel du Berri, rue Frédéric-Bastiat. J'ai demandé « Monsieur Guy Vincent» à la réception. Une femme brune au tailleur très strict devant laquelle je suis passée chaque jour et j'ai l'illusion que cela a duré longtemps, toute une période de ma vie. Mais si je réfléchis bien, à peine trente jours.
"À peine trente jours", c'est la durée de la liaison entre l'héroïne et Guy Vincent. Donc l'histoire dure davantage : la courte période lyonnaise + la période parisienne jusqu'à la rencontre de Guy Vincent + un peu moins de trente jours. Je ne sais pas s'il y a d'autres éléments dans l'histoire qui permettent de connaître plus précisément sa durée totale (on cherchera), hormis le fait que pendant ces trente jours, à Genève, il y avait du brouillard et que le temps ait été à la neige, loin de "l'été indien"...


•• Sur la carte ci-dessous (vous pouvez trouver des cartes comme celle-ci, voir des itinéraires, etc. avec Google Map), on voit où se trouvent la rue Frédéric Bastiat (à droite) et la rueVineuse (à gauche). Mais le parcours dessinée est celui qui est conseillée en voiture... L'héroïne, grande piétonne - comme tous les pernonnages modianesques-, passe par l'Étoile.

•• Au prochain cours, je me tairai pour laisser le temps à Mlle Ema de continuer son excellente présentation de la partie de la semaine dernière et Mary-Jane nous parlera de la fin de la première nouvelle.
Pour le 14, réfléchissez aux éléments qui se repètent dans cette nouvelle. Quel sens peut-on leur donner ? Coïncidence ou pas ?
Par exemple, les chaussures (celles que l'héroïne achète pour son rendez-vous à l'agence de mannequin, celles qu'elle achète à Genève, ce que Guy Vincent dit des chaussures...) ou bien : dans la pièce de théâtre, il neige et à Genève, l'héroïne craint qu'il neige... Il y a deux "consuls" dans l'histoire... etc.
Pour faire facilement des recherche de vocabulaire, vous avez intérêt à sauvegarder le texte, dont je vous ai donné l'adresse sur Writely, en format pdf, comme cela :Ensuite la recherche est ultra-simple !

*Mea culpa : voir ici