Des Inconnues

Cours de français du Community College de Nanzan Tandai par Jean-François Masseron.

Semestre d'automne 2006 (septembre - décembre).

南山短期大学コミュニティカレッジ・上級フランス語講座・2006年の秋学期

29 janvier 2007

Des noyés

Le thème du noyé (présent dans Des Inconnues I) se trouve dès le deuxième roman de Modiano, La Ronde de nuit (1969) :
Englouti, tout cela. J'ai l'habitude. Je me trouvais déjà à bord du Titanic quand il a fait naufrage. (...) L'auberge, tel un bathyscaphe, échoue au milieu d'une ville engloutie. L'Atlantide ? Des noyés glissent boulevard Haussmann (...) Dix mille, cent mille noyés, avec des gestes d'une infinie langueur, comme les personnages d'un film qui passe au ralenti.
(Éd. Folio, p. 74-75)

"un film qui passe au ralenti" : Cf. Des Inconnues I, "Le type en costume bleu et chaussures de daim n'en finissait pas de quitter la pièce, à reculons. On aurait dit un vieux film que l'on passe à l'envers. (Gallimard p. 15-16)

23 janvier 2007

Les chiens, les chevaux, les chaussures...

Le cours sur Des Inconnues est terminé mais j'aimerais continuer encore un peu ce blog.

Les chiens, les chevaux, les chaussures...
Dans Accident nocturne, le héros, renversé une nuit par une voiture place de la Concorde est emmené à l'hôpital. Il a perdu une chaussure dans l'accident. Il pense à cette chaussure, restée sur la rue et l'associe à un chien.
On ne m'avait pas laissé le temps de récupérer ma chaussure et j'ai pensé qu'elle resterait là, toute la nuit, au milieu du trottoir. Je ne savais plus très bien s'il s'agissait d'une chaussure ou d'un animal que je venais d'abandonner, ce chien de mon enfance qu'une voiture avait écrasé quand j'habitais aux environs de Paris
Depuis son lit d'hôpital, il regard son unique chaussure.
Encore une fois mon regard s’est posé sur la chaussure, au bas de la chaise, de ce gros mocassin que j’avais fendu en son milieu.
Dans son second roman, Ronde de nuit (1969), Modiano écrit :
Je deviendrai même assassin, s'ils le veulent. J'abattrai mes victimes avec un silencieux. (...) Avant de les tuer, je ne quitterai pas des yeux l'une des parties les plus humbles de leur personne : les chaussures. (...) Le pathétique, moi, je le trouve dans les chaussures. (Éd. Folio, p. 25)
Dans Chien de Printemps (1993), le héros rencontre Jansen, un photographe au bout du rouleau dont il s'impose l'archiviste, et qui va disparaître peu de temps après sans laisser de traces autres que dans la mémoire du héros-narrateur :
Je lui ai demandé ce qu'il photographiait.
- Mes chaussures. (Éd. du Seuil, p. 99)
Vous vous souvenez que la première Inconnue, pendant son "examen" d'embauche comme mannequin, rue Groslée, dont l'échec fut si traumatisant pour elle et qui décida de sa fugue pour Paris, marche sans chaussures devant l'homme "au regard d'épervier".
Pour me donner une contenance, je ne quittais pas du regard mes chaussures, au pied de la chaise vide.
- Asseyez-vous, m'a-t-il dit.
J'ai repris ma place, à côté de lui, sur la chaise. Je ne savais pas si je pouvais remettre mes chaussures. (Éd. Folio, p. 14)
La troisième Inconnue est vendeuse chez Barker's à Londres. S'agit-il du magasin de chaussures ?