Des Inconnues

Cours de français du Community College de Nanzan Tandai par Jean-François Masseron.

Semestre d'automne 2006 (septembre - décembre).

南山短期大学コミュニティカレッジ・上級フランス語講座・2006年の秋学期

13 octobre 2006

De Madame Gamo : La première nouvelle, la vie de Modiano et Dora Bruder

De Madame Gamo :
Après avoir lu la première nouvelle, j'ai remarqué des éléments basés sur "Dora Bruder", pourtant comme je n'ai pas ce livre avec moi maintenant, je ne sais pas si c'est exact.

* le pensionnat → Dora s'est évadée (2 fois?) ; Modiano a vécu aussi en pensionnat quand il était jeune.
(Oui, notamment à Annecy, près de la Suisse. Et son père l'a envoyé en pension à Bordeaux. Mais il n'est resté qu'une seule nuit dans ce pensionnat et s'est échappé pour rentrer à Paris)

* Pascale → la mère de Modiano était actrice. (Selon la postface de la traduction japonaise de Dora Bruder, elle a joué dans "Bande à part" de Godard).

* Le travail de Guy → le père de Modiano a fait du marché noir sous l'occupation.

* L'arrestation de Guy → non seulement le père de Dora et celui de Modiano, mais beaucoup de Juifs ont été arrêtés.

Et comme on voit l'épisode de Guy et l'écrivain, c'est évident que Modiano s'oppose aux conservateurs. Mais je pense que cette héroïne vit d'une maniere passive et abandonnée : p.11 "ma vie se jouerait à pile ou face" ; p.13 : "j'étais bien décidée à me conformer à tout ce que voulait monsieur Pierre" ; p.18 : "j'étais assise avec eux et je n'osais pas ouvrir la bouche", etc. Et finalement elle espère rester une inconnue, non identifiée...
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Voici les premières lignes de Dora Bruder :
(En japonais, le titre a été traduit ainsi : 1941年。パリの尋ね人 )

Il y a huit ans, dans un vieux journal, Paris-Soir, qui datait du 31 décembre 1941, je suis tombé à la page trois sur une rubrique : « D'hier à aujourd'hui ». Au bas de celle-ci, j'ai lu :
« PARIS - On recherche une jeune fille, Dora Bruder, 15 ans, 1 m 55, visage ovale, yeux gris-marron, manteau sport gris, pull-over bordeaux, jupe et chapeau bleu marine, chaussures sport marron.
Adresser toutes indications à M. et Mme Bruder, 41 boulevard Ornano, Paris. »
Ce quartier du boulevard Ornano, je le connais depuis longtemps. Dans mon enfance, j'accompagnais ma mère au marché aux Puces de Saint-Ouen. Nous descendions de l'autobus à la porte de Clignancourt et quelquefois devant la mairie du XVIIIè arrondissement. C'était toujours le samedi ou le dimanche après-midi.
En hiver, sur le trottoir de l'avenue, le long de la caserne Clignancourt, dans le flot des passants, se tenait, avec son appareil à trépied, le gros photographe au nez grumeleux et aux lunettes rondes qui proposait une « photo souvenir».

Et les dernières :

Depuis, le Paris où j'ai tenté de retrouver sa trace est demeuré aussi désert et silencieux que ce jour-là. Je marche à travers les rues vides. Pour moi elles le restent, même le soir, à l'heure des embouteillages, quand les gens se pressent vers les bouches de métro. Je ne peux pas m'empêcher de penser à elle et de sentir un écho de sa présence dans certains quartiers. L'autre soir, c'était près de la gare du Nord.

J'ignorerai toujours à quoi elle passait ses journées, où elle se cachait, en compagnie de qui elle se trouvait pendant les mois d'hiver de sa première fugue et au cours des quelques semaines de printemps où elle s'est échappée à nouveau. C'est là son secret. Un pauvre et précieux secret que les bourreaux, les ordonnances, les autorités dites d'occupation, le Dépôt, les casernes, les camps, l'Histoire, le temps - tout ce qui vous souille et vous détruit - n'auront pas pu lui voler.